Introduction
Le prolapsus rectal extériorisé est une affection invalidante
qui touche neuf femmes pour un homme et est associée dans 80% des cas à
une incontinence anale. Sa découverte justifie un traitement chirurgical
du fait des troubles fonctionnels qu'il occasionne et des complications
dont il est responsable. Une multitude de procédés chirurgicaux ont été
proposés et en pratique on décrit des interventions par voie basse
(voie locale, périnéale) et par voie haute (voie abdominale).
En France, les interventions par voie abdominale (rectopexies) sont
actuellement réalisées de première intention en raison d'un faible taux
de récidive (< 5%). De plus, elles connaissent un regain d'intérêt
grâce au développement de la laparoscopie. Nous préconisons de réaliser,
par voie laparoscopique, une rectopexie antérieure c'est-à-dire une
fixation de la paroi antérieure du rectum au sacrum à l'aide d'une
prothèse synthétique. Cette intervention améliore ou supprime dans 90%
des cas, l'incontinence anale avec un faible risque de constipation post
opératoire.
Qu'est-ce que le prolapsus rectal ?
Comme son nom l'indique, il consiste en un glissement vers le
bas de la paroi du rectum, réalisant son invagination dans la lumière
rectale, celle-ci pouvant rester en intra-rectale, s'engager dans le
canal anal ou s'extérioriser soit de manière intermittente, provoquée
par un effort de poussée, soit de manière permanente.
Il est à l'origine d'une incontinence anale dans 50 à 80% des
cas, mais aussi d'autres symptômes tels que la sensation incomplète
d'évacuation rectale, une constipation, ou plus rarement de douleurs
périnéales. En dehors des troubles fonctionnels, il expose à des
complications qui sont l'hémorragie par ulcération de la muqueuse
rectale et l'étranglement qui reste rare (1 à 2%).
En pratique, le traitement chirurgical est le seul traitement de référence du prolapsus rectal extériorisé.
En quoi consistent l'intervention chirurgicale et les soins péri opératoires ?
Les patients sont hospitalisés la veille de l'intervention. Il
n'est pas nécessaire de réaliser de préparation colique préopératoire,
c'est-à-dire de prendre des laxatifs oraux ou de faire des lavements
évacuateurs.
L'intervention chirurgicale est réalisée par
laparoscopie, c'est-à-dire que l'on met en place à travers l'ombilic une
caméra afin de voir l'intérieur de la cavité abdominale via un moniteur
de télévision. On réalise au niveau de l'abdomen 3 ou 4 incisions
cutanées de moins de 1 cm afin de mettre en place des trocarts
opérateurs par lesquels on pourra insérer des instruments chirurgicaux
adaptés (pinces, ciseaux).
Le principe de la rectopexie antérieure consiste donc en une
libération complète de la face antérieure du rectum par une incision du
cul de sac de Douglas et une dissection de la cloison recto-vaginale
chez la femme et de l'espace rétro prostatique chez l'homme. Cette
dissection est menée très bas jusqu'au plancher pelvien, c'est-à-dire
jusqu'au bord supérieur du canal anal. Celle-ci doit être prudente en
respectant impérativement l'innervation pelvienne. Une prothèse
synthétique non résorbable sera fixée, sans tension, par ses deux
extrémités, d'une part à la face antérieure de la paroi rectale par des
points de fil chirurgical et d'autre part au sacrum par des fils ou des
agrafes.
Les patients sont réalimentés dès le 1er jour post
opératoire et la durée d'hospitalisation est en moyenne de 5 jours. Les
résultats opératoires sont satisfaisants avec une mortalité
exceptionnelle et une morbidité inférieure à 10% incluant des
complications le plus souvent mineures tels qu'un iléus prolongé post
opératoire, une infection urinaire et un risque de sepsis pelvien
exceptionnel et ils bénéficient de l'abord mini-invasif de la
laparoscopie. Une étude randomisée comparant les résultats de la
rectopexie par laparotomie et laparoscopie, a confirmé les avantages de
la laparoscopie en terme de diminution de la prise d'antalgiques et de
durée d'hospitalisation plus courte.
Quels sont les résultats fonctionnels ?
L'objectif de la chirurgie du prolapsus rectal est de corriger
l'anomalie anatomique en évitant les récidives post opératoires mais
aussi de restaurer une continence anale satisfaisante tout en évitant
l'apparition ou l'aggravation d'une constipation post opératoire, ces
deux derniers critères étant primordiaux dans l'évaluation de la qualité
des résultats fonctionnels. Le traitement par voie basse ou périnéale
est réservé aux patients présentant des facteurs de risque opératoire
importants. En France, l'intervention de référence est la rectopexie par
voie abdominale associant une dissection et une mobilisation complète
du rectum jusqu'au plancher pelvien et sa fixation par une prothèse au
sacrum (Technique de Orr-Loygue).
Ce choix est justifié
par le taux très faible de récidive en moyenne de 5% à 5 ans dans la
littérature. En terme d'incontinence anale présente chez plus d'un
patient sur deux avant chirurgie, la rectopexie permet une bonne
amélioration de la continence avec un taux de persistance des troubles
dans seulement 20% des cas. Mais la prévalence de la constipation est
souvent plus importante après rectopexie, estimée entre 40 et 75%.
Plusieurs explications peuvent être avancées : l'hypercorrection rectale
avec une tension excessive de la prothèse, la dissection rectale
étendue avec le risque de dénervation pelvienne, la méconnaissance d'une
constipation de transit préopératoire.
C'est pourquoi, nous
préconisons une rectopexie dite antérieure, c'est à dire une dissection
limitée du rectum, seulement de sa face antérieure. D'Hoore et al
montrait des résultats comparables avec une taux de récidive de 5% à 5
ans. Il existait après chirurgie, une amélioration de la continence
anale chez 90% des patients. Enfin, les auteurs montraient une
disparition après chirurgie de la constipation dans 80% des cas.
L'apparition d'une constipation post opératoire de novo était notée chez
seulement 10% des patients.
Conclusion :
Le prolapsus rectal extériorisé nécessite un traitement
chirurgical. Dans cette chirurgie dite fonctionnelle, l'objectif du
chirurgien ne doit pas être seulement la correction anatomique mais
surtout la qualité des résultats fonctionnels post opératoires.
La rectopexie est la technique la plus efficace et peut bénéficier
de l'abord laparoscopique. Le risque de récidive est inférieur à 5% avec
une correction après chirurgie de l'éventuelle incontinence associée
dans 90% des cas. La rectopexie antérieure c'est-à-dire l'absence de
dissection des faces latérales et postérieure du rectum semble réduire
le risque de constipation post opératoire.